Critique Manga March comes in like a lion #2

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March comes in like a lion

par KssioP le dim. 5 mars 2017 Staff

Ce tome est étrange. Ce qui tenait lieu d’image de fond s’interpose brusquement au premier plan. L’auteur tout à coup se met à nous parler de shôgi, à nous parler que de cela. Le roi, le cavalier, le fou, le général d’argent, le général d’or, la lance, la tour, le pion, toutes les pièces sont passées en revue. Puis, les stratégies de défense et d’attaque, beaucoup d’informations qu’on pensait dispensables nous sont balancées en pleine face, or l’esprit pris au dépourvu peine terriblement à rester concentré.

Soyons francs, ce n’est franchement pas judicieux, n’importe qui pourrait s’y perdre et décider de refermer le bouquin pour cause d’ennui. Fort heureusement, cette exposition n’est qu’un nouveau prétexte pour administrer à ce déprimé Rei une seringue de questions : Quelle est la vie personnelle d’un joueur de shôgi ? Quels sacrifices doit-il faire ? A quelles contraintes doit-il se plier pour qu’un beau jour il puisse s’écrier : « j’ai réussi ma vie et j’en suis fier » ! Parvient-il à concilier vie professionnelle et vie privée ? Et si tel est le cas, adore-t-il réellement le shôgi ou tout n’est-il qu’une façade ?
Bon sang ! On a bien envie de répondre à Rei qu’il a tort de se poser ces questions. Qu’il est bête d’y perdre son temps. Parce qu’après tout, chacun est libre de ses choix, libre de mener sa vie comme il l’entend et que lui-même prostré dans un tas de problèmes a déjà suffisamment à faire avec son cas personnel pour oser se mettre à la place de tout le monde.

Pourtant, Rei qui broie du noir depuis le retour de sa sœur d’adoption Kyoko, une fille diablotine au charisme certain, s’identifie à deux de ses adversaires, un vieil homme qui a consacré quarante ans de sa vie au jeu et un quadragénaire alcoolique qui n’assume pas la défaite. Tant est si bien qu’il sombre dans une mer noire de mauvais souvenirs. Il songe à sa famille d’adoption. Le père, joueur professionnel de shôgi, a délaissé peu à peu ses propres enfants pour ne se dévouer qu’à Rei. Rei l’enfant surdoué avec les pions, le génie et le fils de son ami décédé. Il est devenu le centre de toutes les attentions, au détriment d’un petit frère et d’une grande sœur. Mais, ce qui pose problème à Rei c’est qu’au fond il ne regrette pas l’amour inconditionnel que lui a procuré ce père adoptif. Evidemment, il a conscience d’avoir un peu foutu le bordel dans la famille et que la bienséance exige désormais qu’il s’éloigne mais il ne remet pas en cause ses sentiments pour cet homme avec lequel il adorait jouer étant petit. Le vrai problème c’est qu’il n’assume pas et forcément il se débat continûment entre son moi d’apparat et son moi profond, entre ce qu’il doit et ce qu’il veut. Le mec est complètement paumé et j’ai plusieurs fois eu le désir de le secouer et de lui hurler de se réveiller fissa. De prendre conscience qu’il existe dans ce monde, dans cette ville où il a trouvé refuge des personnes qui s’inquiètent à son sujet. Qui se désespèrent de le voir prendre soin de lui. Akari, Hina et Momo, les trois adorables sœurs aux bouilles toutes rondes et Nikaïdo, son ami à la santé fragile qui, quoi qu’il dise le contraire, s’époumone tellement à crier son nom qu’il termine à genoux sur le sol et le souffle coupé.

Des personnages adorables que le lecteur remercie de tout cœur. Leur apparition apporte chaque fois un vent de fraîcheur. Avec eux, la tension baisse et les lèvres serrées recouvrent leur sourire. Rei devrait en prendre de la graine, ça ne lui ferait pas de mal et nous avec.
Bon certes, le puzzle est encore incomplet et connaissant Chica Umino, c’est à parier que le mystère au sujet du cœur brisé de Rei est loin d’être dévoilé mais voilà, on ressort mi-figue mi-raisin après ce deuxième tome. Pas totalement satisfait, pas entièrement déçu. On en veut plus tout simplement. On a soif de connaître la suite et c’est peut-être tout ce qu’on a besoin pour l’instant. En tout cas, on est chamboulé, l’indifférence est à proscrire avec Umino c’est confirmé.

On notera enfin que les dessins sont dans la lignée du tome 1. Très stylisés à la sauce Umino. Les pages de couvertures des chapitres sont absolument magnifiques. Son crayon donne l’impression que tous ses personnages se ressemblent, pourtant ils sont aisément identifiables. Parce que les expressions sont maitrisées, on reconnaît tout de suite Hina et son caractère flamboyant, Akari et son visage mélancolique, Momo et ses yeux d’enfant, ou Rei avec ses grosses lunettes et sa bouche qui s’étire continuellement vers le bas. C’est cela le secret, tout passe par l’expression et donc logiquement par l’émotion.

En bref

Ce deuxième tome ne fera pas l’unanimité parce que les émotions qu’il procure sont assez « borderline », imprévisibles et très fortes. Rei est à lui seul Borderline et on ne peut s’empêcher de se demander quand est-ce que sa cocotte-minute va exploser. C’est assez déroutant car le tome 1 avait su maintenir le juste équilibre. Sans oublier toutes ses explications longues et barbantes concernant les règles du shôgi. On ne sait plus trop dans quel genre se situer mais c’est passager. Au final, ne restent que cette bulle d’émotions et l’impatience de la suite.

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