Critique Comics Locke and Key #1

Un nouvel écrin très beau et agréable, pour une œuvre comics majeure passionnante à découvrir et redécouvrir

L'éditeur HiComics propose depuis le 22 mai 2024 une nouvelle édition d'un titre phare de la maison américaine IDW Publishing, qui incarne une œuvre majeure des comics, pas uniquement chez les Indépendants. Nous parlons en effet ici de Locke & Key, extraordinaire série de Joe Hill et Gabriel Rodriguez de 37 épisodes, qui a ensuite eu une mini-série de 8 numéros et divers one-shots, pour poursuivre le plaisir.
Car le plaisir est en effet important pour tout lecteur de cet ensemble, issu des imaginations d'auteurs devenus phares pour l'imaginaire populaire. Le scénariste Joe Hill, notamment, a pleinement dépassé son statut de fils de Stephen King pour se faire une réputation seul, et pleinement justifiée vu son talent et ses réussites (Horns, NOS4A2, Basketful of Heads et quantité de nouvelles).
C'est cependant bien Locke & Key, série commencée en 2008, qui a permis à Joe Hill mais aussi à Gabriel Rodriguez de trouver un succès important, et d'accéder à quantité d'opportunités créatives. Un succès qui demeure, au vu de la poursuite des one-shots, mais également des adaptations Live, avec un lancement échoué en 2011 et finalement trois saisons pour 28 épisodes sur Netflix entre 2020 et 2022.

HiComics a fort bien repris en 2018 la publication en France après six tomes et trois premiers volumes reliés de Milady Graphics à partir de 2010. Le nouvel éditeur a proposé une intégrale complète en novembre 2020, et se lance désormais dans une édition en trois tomes de la totalité de la série sur une période courte (voire même un quatrième possible !).
HiComics livre ainsi un nouveau format, une couverture avec des effets de gaufrage et un vernis sélectif ; c'est fort joli et élégant. Et, en plus de la beauté de l'objet, des bonus pertinents, comme un état des clés connues et diverses jolies illustrations.

L'idéal pour découvrir ou redécouvrir Locke & Key... mais, au fond, de quoi parle la saga ?
L'histoire est celle de la famille Locke, plus précisément celle de Rendell Locke, son épouse Nina, et leurs enfants Tyler, Kinsey et Bode. Ceux-ci déménagement dans la demeure familiale des Locke, Keyhouse, au cœur de la ville de Lovecraft, après une agression terrible où Rendell est hélas décédé.
Ses proches sont traumatisés, hantés, et Duncan Locke vient les aider pendant quelques semaines, afin d'avancer dans le deuil de son frère. Nina tient la barre difficilement, erre dans l'existence après les événements, alors que ses enfants tentent d'avancer... en découvrant les secrets de Keyhouse, mais aussi de nouveaux dangers.
La bâtisse des Locke recèle en effet de mystérieuses clés, ouvrant des portes déclenchant des capacités surhumaines et surtout surnaturelles. Hélas, le plaisir de la découverte est gâché par des menaces nouvelles pour eux... mais qui hantent Keyhouse et leur famille depuis longtemps. Le décès de leur père pourrait en outre être lié à ses actes passés, et aux démons qui n'ont guère disparu alors...

On le comprend, Locke & Key est une œuvre intense et prenante. Cette première intégrale propose les 12 premiers épisodes, soit les story-arcs « Bienvenue à Lovecraft », qui pose les bases de la série, les personnages et les impératifs ; et « Casse-tête », qui enchaîne pleinement et confirme la puissance de la saga.
Celle-ci est en effet excitante et passionnante dès ses débuts. Joe Hill parvient à accrocher son lecteur en maîtrisant sa narration, en lançant quantité d'idées intéressantes, mais surtout en maîtrisant le rythme et son ambiance. La série débute en effet en plein choc, dans la violence d'une attaque à domicile qui glace le sang. Il enchaîne avec une gestion habile et pleine d'émotions du deuil, ressenti par chaque personnage, avec des premiers numéros fixés sur chaque membre de la famille ; et, en parallèle, les éléments surnaturels qui se dessinent, et la menace qui se précise.
Le scénario est ainsi efficace pour présenter les personnages, et donc malin pour que le lecteur s'y attache rapidement. Joe Hill créé en outre une atmosphère formidable, autant oppressante que grisante, car Keyhouse est une demeure lugubre et terrifiante, mais il est en effet excitant de chercher les nouvelles clés avec nos héros et leurs adversaires.

Cette ambiance oppressante, surnaturelle, dérangeante est intensifiée par le trouble de la menace, notamment dans ses premières apparitions dans le puits. Les références aux grandes œuvres littéraires d'un fantastique oppressant et horrifique sont claires, notamment sur le nom de la ville, mais Joe Hill y rend hommage, sans être trop usé par l'influence.
Surtout, le scénario se concentre pleinement sur la série et les personnages, forgeant sa propre mythologie, par petits bouts, avec des apports réguliers mais toujours mystérieux. Un procédé classique, mais passionnant, et qui donne pleinement envie d'en voir plus ; notamment avec l'annexe sur la liste des clés, qui donne des... clés, aussi, pour connaître les origines de tout ceci.

Enfin, le graphisme participe pleinement à la réussite de l'ensemble.
Certes, le trait de Gabriel Rodriguez n'est pas forcément « beau », pour tous, mais terriblement efficace et adapté. Ses personnages sont bien croqués, reconnaissables. Ses planches sont dynamiques, sa narration est fluide et l'ensemble est agréable à l'oeil dans la lecture.
Surtout, il restitue admirablement bien l'atmosphère oppressante du scénario, donne quantité de détails à Keyhouse, et « croque » les adversaires ou les moments surnaturels avec un talent évident, qui capte pleinement l'essence de l'idée et créé de sacrés effets.