Critique BD Vivre Libre ou Mourir

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Vivre Libre ou Mourir

par Le Baron Rouge le jeu. 13 juin 2024 Staff

VIte et fort !

Vite et Fort !!

Ce livre se déguste comme une madeleine de Proust à la sauce Parabellum. Quelle excellente idée de faire une histoire du punk français sous forme d’interviews par ceux qui l’ont fait.

Pour beaucoup, le punk se résume à des bandes de jeunes drogués une canette de bière à la main détroussant des petites vielles à la sortie des bureaux de poste dans les années 80. Ne rigolez pas, c’est ce qu’on me disait à l’époque.

Mais le punk de cette période incarne beaucoup plus qu’une esthétique à crête verte.

À la fois cri de révolte face à une société capitaliste qui perd ses repaires humanistes et mouvement artistique radical, le punk aura une influence majeure dans la musique des années 90. Tous ces petits groupes, qui claquaient deux vagues accords à 110 décibels, dénonçaient en hurlant l’état d’une jeunesse perdue. À une époque où les médias nous parlaient de fric et de frime, sur des cassettes dupliquées à l’infini dans les cours de collège et de lycées, nous écoutions le son du bitume, des squats, des lieux de perdition. Ça parlait d’errance, de peur, de violence, de chômage, de drogue, de lutte, d’oppression, etc. Bref, les lendemains qui chantent n’étaient pas pour demain.

Ils voulaient vivre libre, affranchis de toute contrainte et d’autorité. Des « en-dehors » comme nous les aurions appelés 60 ans plus tôt.

Et surtout, ces groupes ont vite pris un tournant, un virage à gauche toute, afin de s’émanciper de son cousin maudit, le skinhead. Le punk était une position politique. Les groupes se faisaient à peine payer (les Béruriers noirs fonctionnaient comme une coopérative), partaient en tournée à l’aveuglette dans des camions hors d’âge. Il hurlaient leur haine de l’argent, des puissants, de l’autorité. Ils aimaient tout ce qui faisait peur. Clairement anti-raciste, c’est dans cette mouvance que naquit le SCALP suite à la mort de Malik Oussekine. « La jeunesse emmerde le FN » sera l’hymne d’une génération de manifestants de queue de cortège. Ils étaient des exemples, des références éthiques. Et le rock aura fini de nous émanciper.

Et puis, ces groupes ont rapidement appris plus de deux accords et se sont révélés d’excellents musiciens. Ils iront très rapidement fureter vers les vieilles icônes de chansons françaises sous la houlette du groupe Pigalle et de son « trash musette ». L’album « Ma grand-mère est une rockeuse » reste un must de cette mouvance. Ils iront vers des rythmes latino (qui se souvient que l’album Patchanka de la Mano Negra est paru chez Boucherie production ?). Ils passeront le ska et le rap à la moulinette électrique….

Devenus inclassables, les médias, désorientés par une évolution artistique si rapide, appelleront cette tendance créatrice « rock alternatif ». Et ce dernier sera le terreau de nombreux groupes qui tournent encore.

L’album est une suite d’interviews de ces groupes. Ils ne sont pas tous là, mais ceux qui y sont nous offrent une tranche d’histoire et d’espoir. Et pour ceux qui ont échappé à cette belle et courte période, l’album offre une excellente discographie aux noms évocateurs (La Souris Déglinguée, Métal Urbain, Lucrate Milk, Al Kapott, Hot pants, OTH, Les Collabos, Parabellum, Los Carayos, Les Wampas, Les Rats, etc.)

Si cet ouvrage résonne comme « La mémoire des vaincus » on peut se demander si l’esprit Punk est définitivement mort. Et bien non. Selon les auteurs, le punk, c’est comme une comète. Elle passe rapidement, éclaire la nuit, réveille nos esprits et puis s’en va pour mieux revenir. On appelle ça une révolution.

Punk is not dead !!!

P.S. : le titre de cette chronique, Vite et Fort, est pompé sans aucune vergogne, sur le nom de l’émission de Néo (mon punk préféré qui a hérité de mes vieilles cassettes) sur la webradio, radiopikez.

En bref

Les deux auteurs nous offrent ici une remarquable histoire du rock alternatif. Ils nous plongent dans cet univers finalement méconnu. Univers, qui durant la décennie des années 80, nous émancipera d'une société qui laissait sa jeunesse sur le carreau, qui ouvrait la voie à l'extrême-droite, qui faisait l'apologie du fric. Même si la musique au début laissait à désirer, les textes, d'un réalisme cru, nous ouvraient l'esprit et nous émancipaient.

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Vivre Libre ou Mourir
Positif

Tout est bon dans le keupon.

Negatif

Pas grand chose.

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