Chronique : L'oiseau Bleu

Skeet vous livre ses impressions sur ce one-shot de Takashi Murakami


Yuki Higashimoto est la plus heureuse des femmes : un mari aimant, Naoki, ainsi qu’un adorable garçon de cinq ans, Shu, la comblent de bonheur. Mais la sortie de route de la voiture qui les ramène d’un innocent pique-nique va sonner de manière cruelle et irrémédiable la fin de cette existence paisible... Le petit Shu ne survit pas à la violence du choc, et Naoki est plongé dans un coma végétatif. Pour Yuki, un long combat commence : comment reconstruire sa vie et préserver un lien avec un mari qui est présent sans l’être ?

L'oiseau Bleu se présente sous la forme de deux histoires liées entre elles. La première s'intitule L'Oiseau Bleu tandis que la seconde s'intitule Les feuilles mortes et prend la majeure partie de ce tome. Mais ceci forme un tout étant donné que cela raconte l'histoire d'une même famille.

Tout commence par une scène familiale qui est l'incarnation même des plaisirs simples de la vie et du bonheur sans artifice. Une balade en famille dans la nature, un petit garçon qui s'amuse à chasser les libellules. Mais ceci ne durera que quelques pages pour basculer rapidement dans le drame : un accident de la route comme il en survient malheureusement trop souvent. Yuki est la seule à ne pas avoir été touchée gravement par cette sortie de route. Son mari Naoki se retrouve dans le coma tandis que son petit garçon Shu est tué sur le coup.

On n'écrit pas une histoire comme celle-ci sans se sentir concerné de près ou de loin par cette peur de la perte d'êtres chers. L'auteur s'explique d'ailleurs sur le sujet en fin de tome. Raconter des évènements tragiques et des situations auxquelles on peut facilement s'identifier n'est pas tout. Selon la manière dont est raconté le drame, on passe de l'émotion au tire-larmes superficiel. Mais je vous rassure de suite : Takashi Murakami nous livre ici une oeuvre bouleversante, pleine d'humilité et de sensibilité sans jamais en faire des tonnes.
 

AOI TORI -WAKURABA- © 2014 Takashi MURAKAMI / SHOGAKUKAN


On va donc suivre Yuki dans sa nouvelle vie au travers de laquelle l'auteur va mettre le doigt sur des problèmes bien réels et malheureusement encore d'actualité. Certes, tout commence par le deuil mais d'autres choses bien plus terre à terre viennent rendre le quotidien difficile à vivre. Comment garder espoir quand on vous dit que votre mari est dans un état végétatif et qu'il n'y a presque plus aucun espoir qu'il puisse reprendre conscience ? Comment faire quand plus aucun hôpital ne veut prendre en charge son mari ? Dans la deuxième partie du manga, l'auteur se concentre sur le père de Naoki qui commence à présenter les symptômes de la maladie d'Alzheimer. Un gros bouleversement pour lui mais surtout pour sa femme qui va devoir s'occuper de plus en plus de lui.

On ne peut qu'être plein d'admiration devant le comportement de Yuki face à la situation qu'elle vit. Mais l'auteur nous rappelle qu'elle reste humaine et qu'elle peut craquer parfois. Mais malgré tout, elle veut assumer son mari jusqu'au bout, non pas par réelle "obligation" mais tout simplement parce qu'il reste sa famille et qu'il lui rappelle son petit garçon. Dans les Feuilles mortes, le comportement de la mère de Naoki est semblable à celui de Yuki : malgré les difficultés, elle assume tout jusqu'au bout. Une belle leçon de vie.

Comme pour nous rappeler que l'esprit des défunts (ou de ceux qui sont "entre deux") continue à vivre, l'auteur ponctue habilement son récit de scènes tranchant radicalement avec le quotidien de Yuki où l'on voit son mari et son fils dans ce qui semblerait s'apparenter au paradis. On retrouve ainsi ce côté apaisant des premières pages du livre où l'on pouvait ressentir le bonheur de cette petite famille.

Takashi Murakami traite de sujets qui peuvent tous nous concerner et apporte sa touche de poésie et d'espoir à sa manière, ce qui évite de se retrouver avec une histoire inutilement lourde à lire. L'oiseau Bleu ne peut pas laisser indifférent et nous rappelle que la vie est fragile et qu'il faut savoir profiter du bonheur qui s'offre à nous à chaque instant.

Skeet

Créateur de Manga Sanctuary et avant tout lecteur de manga depuis la fin des années 80.
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