Chronique : Ressentiment T.1 chez Ki-oon

Découvrez nos premières impressions sur ce Seinen en 2 tomes.

 

Alors qu’il s’apprête à fêter ses 30 ans, Takuro Sakamoto ne peut que dresser un bilan amer de son existence : quand on est chauve, moche, incapable de faire illusion dans une conversation et désespérément célibataire, l’avenir ne s’annonce pas sous les meilleurs auspices. Le salut lui viendra peut-être de son ami Daisaku, lui aussi peu gâté par la nature, qui va l’initier au dernier jeu en ligne qui fait fureur au Japon : Unreal. Dans ce monde idéalisé et incroyablement réaliste, fini la frustration : les filles n’ont d’yeux que pour vous, et même le dernier des tocards peut devenir un héros admiré de tous !

Résigné à tirer un trait sur la possibilité d’une relation dans le monde réel, Takuro va jeter ses dernières économies dans l’achat d’un PC et investir dans une petite amie virtuelle : Tsukiko. Alors qu’il se connecte à Unreal et se prépare à débuter son idylle en ligne, il doit toutefois faire face à une déconvenue de taille : Tsukiko refuse catégoriquement toutes ses avances ! Logiciel défaillant ? Bug malheureux ? Dans sa quête d’un bonheur toujours aussi inaccessible, Takuro va découvrir que les mystères qui entourent Tsukiko et Unreal sont légion…

Titre : Ressentiment T.1
Editeur français : Ki-oon
Date de sortie : 09/10/2014
Dessinateur : Kengo HANAZAWA
Scénariste : Kengo HANAZAWA

Série terminée en 4 tomes

 

PAS D'OPERATION SEDUCTION !

Dès les premières pages de Ressentiment, on comprend que l'auteur ne cherche pas à nous séduire avec des personnages stéréotypés et que le monde dans lequel ils évoluent ne ressemblera pas à celui des bisounours ! Notre héros, Takuro, vit dans un futur très proche et son quotidien est loin de faire rêver : il va sur ses 30 ans, vit toujours chez sa mère et s'ennuie à mourir dans son travail.

RESSENTIMENT © 2012 Kengo HANAZAWA / SHOGAKUKAN

 

Les autres personnages ne sont pas en reste, à commencer par son ami Daisaku. Comme lui, il est un peu paumé, vient de démissionner et dit préférer consacrer sa jeunesse à combler ses conquêtes... Dur à croire quand on connait le bonhomme mais Takuro comprend rapidement que son ami parle de conquêtes virtuelles ! Il a décidé de tirer un trait sur les filles réelles et préfère jouer à des simulateurs de drague ultra-sophistiqués.

Un peu troublé au début, Takuro va quand même se laisser tenter par curiosité car son ami, malgré sa fuite de la réalité, a l'air plus heureux que lui ! Et puis après tout, il n'a rien à perdre mis à part toutes ses économies car le jeu est cher mais l'équipement pour le faire tourner aussi ! Takuro va être surpris de voir que des jeux aussi réalistes existent.

RESSENTIMENT © 2012 Kengo HANAZAWA / SHOGAKUKAN

 

Quand Takuro est dans le monde virtuel, l'auteur nous montre régulièrement ce dernier dans le monde réel, masque sur les yeux devant son écran en train de gesticuler tout seul dans sa chambre. Ce retour à la réalité accentue le côté "ridicule" de la situation et la solitude du personnage.

RESSENTIMENT © 2012 Kengo HANAZAWA / SHOGAKUKAN

 

Mais là où Ressentiment se démarque des autres séries, c'est au niveau de l'attitude de Takuro quand il découvre ce monde virtuel où il peut potentiellement faire ce que bon lui semble. Dans la vraie vie, il n'arrive pas à avoir de copine. S'il a acheté ce jeu, c'est justement pour y arriver et l'échec est intolérable, il en veut pour son argent. C'est à ce moment-là que ses plus bas instincts vont resurgir, ce qui va le rendre encore plus détestable aux yeux du lecteur. Mais au final, c'est cette attitude qui semble la plus réaliste dans une telle situation et elle dénonce bien les travers de l'être humain. En plus, ce n'est pas le monde réel donc autant en profiter non ? C'est en tout cas ce que pense Takuro pendant un instant.

Pathétique. Voilà comment on pourrait qualifier le personnage de Takuro dans ce premier tome. On sent que ce n'est pas une mauvaise personne mais il enchaîne les maladresses et ceci ne change pas dans le monde virtuel. L'auteur veut visiblement nous montrer qu'on reste soi-même quoiqu'il arrive. Mais il faut avoir qu'il n'hésite pas à en rajouter pour qu'on trouve ce personnage répugnant en le présentant dans des postures peu avantageuses (régulièrement un testicule à l'air, c'est le prix à payer quand on reste en caleçon dans sa chambre toute la journée !). Le contraste avec son alter ego virtuel n'en est que plus marqué.

 

UN MONDE VIRTUEL DIFFERENT

Beaucoup de mangas parlent de mondes parallèles ou de mondes virtuels (quand le héros est propulsé dans un jeu par exemple). Mais la plupart du temps, le monde dans lequel évolue le héros nous apparaît enviable. On y trouve des créatures étranges, des paysages magnifiques et une ambiance empreinte de mystères. Au final, on a envie d'y rester car ici tout semble mieux que dans la réalité. On arrive à être quelqu'un d'autre et tout nous sourit ou presque.

Dans Ressentiment, l'auteur a choisi une approche totalement différente. Premièrement, les personnes qui jouent à un tel jeu sont des gens qui ont tourné le dos à la vie réelle et qui ont donc un gros problème psychologique. Ils voient ce monde virtuel comme un moyen d'échapper à une existance sans intérêt. Mais au final, ce monde est un reflet du monde réel et les travers de l'être humain ne tardent pas à gangréner ce monde virtuel. Tout est amplifié, on fait des choses qu'on n'aurait jamais osé faire dans le monde réel.

RESSENTIMENT © 2012 Kengo HANAZAWA / SHOGAKUKAN

 

Ici pas de quête incroyable pour sauver le monde ou quoi que ce soit. Juste trouver "l'amour". Et c'est là que Takuro va comprendre que même dans le monde virtuel, il va devoir bien se comporter pour séduire la fille du jeu qu'il a acheté. Lui qui pensait que tout était gagné d'avance... disons qu'il a acheté un personnage un peu spécial sans trop en révéler.

Mais c'est surtout au niveau des intentions de Takuro qu'on s'éloigne des autres histoires du même genre. Il ne semble avoir qu'un seul but : arriver à coucher avec le personnage virtuel qu'il a acheté et la manière dont il s'y prend laisse à désirer ! Ceci donne lui à des situations plutôt comiques (cf. la censure). De plus, comme Takuro a la trentaine, la situation est encore plus pitoyable puisque la jeune fille virtuelle est clairement mineure (ce qu'il confesse à une collègue de travail dans la vie réelle). Ceci est plutôt perturbant pour le lecteur mais dans les mangas c'est malheureusement monnaie courante même si dans l'histoire c'est un personnage virtuel et qu'on a plutôt l'impression que l'auteur dénonce... mais ceci est un autre débat.

 

EN BREF

Ressentiment est clairement un manga qui ne va pas attirer une certaine catégorie de lecteurs au premier abord. Les dessins, sans être réellement moches, ne suivent pas vraiment les standards et le héros est on ne peut plus répugnant (physiquement et par son attitude). Et c'est dommage car ce manga aborde un sujet maintes fois traité mais sous un angle complètement différent, loin des histoires édulcorées des mangas pour adolescents.

Ici, rien de glamour, le monde virtuel ne fait pas forcément envie puisque peuplé de joueurs ayant tous des problèmes dans la vie réelle. En décrivant une bonne partie des travers de l'être humain, l'auteur s'amuse à faire un parallèle entre les deux mondes très efficace. On est tantôt choqués, tantôt dégoûtés mais aussi parfois attendris.

Ressentiment sera un OVNI dans votre bibliothèque manga et plaira à ceux qui aiment parfois lire des choses différentes !

 

LES + LES -

- Un sujet classique sur la forme mais abordé d'une manière différente, plus réaliste
- Les parallèles fréquents entre le monde réel et virtuel qui donne lieu à des scènes comiques
- Un manga atypique
- Un rythme soutenu

- Le penchant des personnages pour le jeunes filles à l'aspect juvénil
- Les dessins qui peuvent rebuter

 

Note :
8/10

 

Plus d'infos sur la série : VOIR LA FICHE DE RESSENTIMENT

 

Skeet

Créateur de Manga Sanctuary et avant tout lecteur de manga depuis la fin des années 80.
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