Chronique : Daisy T.1 chez Akata

Découvrez nos premières impressions sur le nouveau shojo des éditions Akata sur le quotidien de jeunes lycéennes de Fukushima.

 

 

Depuis le terrible tsunami qui a frappé Fukushima, Fumi n'ose plus sortir de chez elle. Trop inquiète pour sa santé, à cause des éventuelles radiations émises par la centrale. Pourtant, en dernière année de lycée, il faudra bien qu'elle se décide à retourner en cours. Mais est-il seulement possible de recommencer à vivre et de faire comme si de rien n'était, quand même une simple pluie représente la menace d'une contamination radioactive ? Heureusement, elle pourra compter sur Moé, Ayaka et Mayu, ses trois meilleures amies. Ensemble, elles comptent bien profiter de la vie, et surtout sortir toutes diplômées du lycée ! Elles décident alors de créer un groupe de musique, Daisy, pour se redonner du courage. Mais très vite, la réalité les rattrape et... Est-il possible de construire leur avenir sur cette terre polluée qu'est-devenue Fukushima ? En tant que filles, en tant que femmes, en tant que futures mères... Tandis que le reste de la jeunesse japonaise et du monde a le droit de profiter de sa vie dans l’insouciance, tandis que le monde entier a oublié le drame qui s'est abattu sur Fukushima et que ses habitants tombent dans l'oubli, quel avenir s'offre à ces adolescentes, à l'aube de leur vie d'adulte ?

 

Titre : Daisy T.1
Editeur français : Akata
Date de sortie : 28/05/2014

Série terminée en 2 tomes

 

FUKUSHIMA : SILENCE RADIO

Tout le monde se souvient de cette catastrophe nucléaire survenue en 2011, mais pourtant, plus personne ou presque n'en parle. Comme s'il n'y avait plus de problèmes. C'est suite à ce constat que l'auteure Reiko MOMOCHI a voulu nous parler du quotidien de personnes vivant dans les zones sinistrées.

Elle a donc décidé d'aller interroger des étudiants, des parents et des enseignants afin de comprendre comment ils ont vécu cette catastrophe et quelles sont leurs inquiétudes.

A la fin de ce premier tome de Daisy, un texte de 7 pages signé Karyn Nishimura-Poupée (correspondante AFP au Japon) nous expose la situation actuelle et les problèmes persistants. Un bon moyen de prendre conscience que de nombreux problèmes sont encore à résoudre comme la décontamination des zones touchées et le stockage des éléments radioactifs.

Comme pour beaucoup de sujets de société, ce n'est pas parce qu'on n'en entend plus parler que le problème a disparu et on s'en rend bien compte dans ce premier tome de Daisy.


UN QUOTIDIEN BOULEVERSE

Avec Daisy, l'auteure, Reiko MOMOCHI, a voulu nous parler de l'après Fukushima du point de vue de jeunes lycéennes. Même si ce manga n'est pas présenté comme un documentaire, il s'inspire beaucoup du vécu des personnes interrogées et lui confèrent un réalisme saisissant.

Mis à part pour ceux qui ont vécu de l'intérieur cette catastrophe, difficile d'imaginer le quotidien des personnes concernées. On ne s'imagine pas à quel point cela a pu bouleverser leurs vies. Des choses banales pour nous deviennent impossibles pour eux.

 

© 2012 Reiko Momochi / KODANSHA

 

Une simple pluie devient source d'angoisse par peur des retombées radioactives.

L'accent est également mis sur le manque d'information. Les habitants ne peuvent se fier qu'à ce que les médias leur disent mais le doute est toujours là. Ils sont toujours l'impression qu'on ne leur dit pas tout et qu'on cherche à les rassurer pour qu'ils ne désertent pas tous les lieux. On est un peu dans le même cas que pour Tchernobyl et le nuage radioactif qui s'est soi-disant arrêté à la frontière grâce à un anticyclone, ne touchant pas la France... Les habitants vivent donc dans le flou total et se méfient de tout.

L'auteure nous explique également que des familles ont été séparée car les parents, dans le but de protéger leurs enfants, les ont envoyés vivre ailleurs, loin de la radioactivité. Cependant, bon nombre d'entre eux restent attachés à leur région et refusent de partir quitte à risquer leur vie.

Le but était de nous faire prendre conscience des conséquences plus ou moins inattendues de la catastrophe nucléaire de Fukushima sur le quotidien des habitants et c'est mission accomplie.
Certaines personnes sont parfois confrontées à de véritables dilemmes concernant leur mode de vie, leur travail et leur famille mais ils vont devoir prendre des décisions radicales.


UN SHOJO ?

Reiko MOMOCHI a pris le parti de nous présenter cette histoire sous la forme d'un shojo, choix qui peut sembler discutable. Si on feuillette le manga sans regarder les dialogues, on a clairement l'impression d'être dans un shojo classique avec un dessin très typé et de nombreux dialogues qui partent un peu dans tous les sens sur la page. Mais ceci est trompeur et on s'en rend compte rapidement.

 

© 2012 Reiko Momochi / KODANSHA

 

Dès les premières pages, on nous rappelle la situation et dès qu'un peu d'insouciance et de naïveté pointe à l'horizon, le côté dramatique prend le dessus directement. Cette dualité est à la fois perturbante et efficace puisqu'elle montre que ces jeunes filles ont envie de retrouver une vie normale et de penser à autre chose. Mais aussi faut-il y arriver.

L'accent est mis sur les pensées et réflexions des protagonistes pour nous faire comprendre au mieux leur état d'esprit. Ce qui est appréciable, c'est que ce manga ne tombe pas dans la facilité et n'est pas un tire-larmes. Les personnages ne s'apitoient pas sur leur sort mais essaient juste de continuer à vivre.

Ce manga ne mérite pas qu'on lui appose une étiquette "shojo" (voir Manga : la valse des catégories) puisque ce qui est raconté peut intéresser tout le monde et traite d'un sujet de société qui nous concerne tous. Mais il est clair que l'approche psychologique des personnages se rapproche cependant plus de ce qu'on peut voir dans certains shojo. Un dessin un peu plus neutre aurait suffi à balayer les doutes de certains.

 

UN MESSAGE D'ESPOIR

Si je devais résumer ce premier tome en une seule phrase ce serait : la vie continue. C'est vraiment le message que l'auteure a voulu faire passer suite à ses différents entretiens. Dans le manga, nous avons affaire à des personnalités complètement différentes. Certains sont terrorisés et préfèrent fuir. D'autres travaillent à la reconstruction et à la décontamination car ils rêvent d'un avenir meilleur pour eux et leurs enfants.

C'est à travers des personnages "positifs" que l'auteure délivre un message d'espoir sans pour autant occulter toutes les difficultés endurées au quotidien par les habitants.

 

© 2012 Reiko Momochi / KODANSHA

 

L'humanité a beau être ce qu'elle est, à chaque fois qu'il y a une catastrophe, il y a de la solidarité de la part d'une partie de la population. C'est ce que nous montre également la mangaka. Alors que les habitants des régions sinistrées se sentent abandonnés, il y a toujours des gens pour venir aider et avoir une attitude positive.

De la même façon, en nous expliquant que la fête de Waraji (la fête la plus emblématique de Fukushima) a quand même eu lieu quelques mois après la catastrophe, elle nous montre qu'une partie de la population veut continuer à vivre normalement. Ceci peut être vu comme une sorte de déni mais ici, c'est plutôt la volonté de continuer à vivre malgré tout qui est mise en lumière.

 

EN BREF

Les mangas basés sur des faits réels et notamment des catastrophes comme celle survenue à Fukushima ne peuvent que susciter l'intérêt du lecteur. On se sent tous concernés mais on est loin d'imaginer ce qu'ont pu vivre et vivent encore les habitants de cette zone.

Reiko MOMOCHI nous livre ici une histoire touchante inspirée de témoignages réels qui reflète l'état d'esprit des jeunes japonais touchés par ce désastre. Le côté romancé de la narration aidera à toucher les adolescents et à intéresser les personnes réfractaires aux oeuvres purement explicatives. Car oui, Daisy, au travers de son histoire, nous informe et nous livre des tranches de vies plus vraies que nature et des témoignages touchants. Un vrai travail de journaliste sans édulcorer la vérité, chose très appréciable.

Un manga à découvrir pour tous ceux qui pensaient que l'accident nucléaire de Fukushima appartenait au passé...

 

LES + LES -

- Ne tombe pas dans le tire-larmes
- Réalisme saisissant grâce à de vrais témoignages
- Pages informatives en fin de tome très intéressantes
- Un beau message d'espoir

- Peut-être trop typé shojo pour intéresser les réfractaires au genre suite à un simple feuilletage

 

Note :
9/10

 

Plus d'infos sur la série : VOIR LA FICHE DE DAISY

 

Skeet

Créateur de Manga Sanctuary et avant tout lecteur de manga depuis la fin des années 80.
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