Interview : KIM Byung-Jin, auteur de Warlord

Nous avons rencontré KIM Byung-Jin, le dessinateur de Warlord, en juillet dernier lors de Japan Expo et nous vous proposons de lire l'interview que nous avons réalisée.


Manga Sanctuary :  Le public français vous connait bien désormais grâce à Chonchu puis Jackals quelques années plus tard et apprécie beaucoup votre travail notamment sur les scènes de combat. Avez-vous toujours dessiné ce genre de choses ?

 

KIM Byung-Jin : Après Chonchu, mon tout premier titre, j’ai enchaîné sur Jackals puis Warlord, et dans les trois titres les combats abondent, effectivement. Indéniablement, cela a toujours été mon univers.

 

 

MS: Pour la série Jackals, vous avez travaillé pour un éditeur japonais, Square Enix. Comment avez-vous été amené à travailler avec eux ? Est-ce difficile de se faire un nom au Japon quand on est coréen ?

 

KBJ : Ce sont les japonais qui sont venus me chercher avec un gros projet (puisqu’il s’agissait d’une adaptation de Final Fantasy en manga) mais celui-ci a été interrompu de manière inattendue. J’étais forcément déçu mais c’est à ce moment-là que Murata Shinya m’a contacté pour être le dessinateur d’une autre série dont il avait déjà le storyboard. Il trouvait que mon dessin était vraiment adapté à l’histoire et il s’agissait du fameux Jackals.

 

Se faire un nom au Japon, je dois vous avouer que cela n’était pas évident. Tout d’abord, il y avait de gros problèmes de communication dûs à la barrière de la langue mais aussi des frictions d’ordre culturelles car le peuple japonais et le peuple coréen sont fondamentalement différents ce qui a créé des problèmes d’incompréhension.

 

 

MS : Maintenant que vous êtes connu au Japon grâce à Jackals, est-ce que le regard des japonais a un peu changé ?

 

KBJ : En fait Jackals n’a pas été un énorme succès, que ce soit en Corée ou au Japon. En Corée, il y a eu une sorte d’hostilité liée au fait d’avoir travaillé avec un japonais, surtout que le sens de lecture était à la japonaise.

C’est en France que j’ai reçu le meilleur accueil concernant Jackals et c’est une des raisons pour lesquelles j’éprouve un attachement tout spécial pour votre pays.

 

MS : Avec Warlord, vous retrouvez KIM Sung Jae avec qui vous aviez travaillé sur Chonchu. Qui a été à l’origine de ce projet ?

 

KBJ : C’est moi qui ai eu l’idée de Warlord. Je voulais faire comme avec Chonchu et attaquer le marché coréen d’abord et pourquoi pas le lancer à l’international par la suite pour en faire quelque chose d’énorme. J’ai entraîné mon scénariste KIM Sung Jae, ma femme qui est ma plus proche collaboratrice et mon éditeur qui m’accompagne partout. J’ai été motivé par mon expérience avec Murata Shinya : pour Jackals, comme tout était déjà prêt niveau scénario et storyboard, ma marge de manœuvre était relativement limitée et je ne pouvais me montrer créatif que sur le design des vêtements et des armes par exemple. Cette fois, j’avais envie d’être impliqué davantage dans le scénario. Avec Warlord je travaille vraiment dans une bonne ambiance avec des gens que j’apprécie. C’est un vrai travail d’équipe.

 

Depuis le départ, Warlord a été un projet ambitieux. Quand on regarde l’univers de la série, plusieurs continents sont représentés : le Japon à travers le Shogun, la Chine à travers Shamarkal et la Corée à travers Maruhan. Plus tard, d’autres personnages apparaîtront et représenteront l’occident par exemple. L’idée était d’avoir des éléments qui parlent au monde entier.

Si je me prenais à rêver j’adorerais que Warlord soit adapté en jeu vidéo.

 

 

 


MS : Est-ce que le fait d’avoir été à l’origine de Warlord vous a facilité la tâche concernant les dessins ?

 

KBJ : Pour moi, Warlord est avant tout un travail d’équipe et je ne me considère pas comme LE créateur de la série. Ce qui importe, c’est l’idée en elle-même, peu importe qui l’a.

 

 

MS : De ce fait, bien qu’étant dessinateur, est-ce que vous vous reconnaissez un rôle de scénariste ?

 

KBJ : Je compare la création d’un manhwa à un film. Le dessinateur serait le réalisateur et l’éditeur serait le producteur. Il faut que ces deux équipes communiquent et que chaque partie soit convaincue. Par exemple, si le scénariste a une super idée mais qu’il n’arrive pas à convaincre les autres, elle ne sera pas retenue.

 

MS : Est-ce que dans le futur, vous aimeriez dessiner dans un autre registre ?

 

KBJ : Bien sûr, en tant que dessinateur j’ai toujours envie d’explorer de nouveaux territoires mais c’est un rêve parmi tant d’autres pour le moment. J’aimerais écrire une histoire dans laquelle j’aurais aussi la maîtrise du scénario pour parler des chiens car je les adore ! (rires)

 

MS :  La culture coréenne a le vent en poupe en ce moment et les français s’y intéressent de plus en plus au travers des manwha mais aussi de la Kpop et des drama. Qu’est-ce que cela vous inspire ? Est-ce que cela vous surprend ?

 

KBJ : En tant que coréen, je suis bien sûr très heureux que notre culture suscite l’intérêt des français. Ceci dit, j’ai quand même un petit pincement au cœur car au tout début des années 2000, les manhwa ont débarqué en masse en France mais le soufflé est retombé ! Effectivement, en ce moment, ils profitent du succès des dramas ou encore de la K-pop… et j’aimerais beaucoup que le manhwa renaisse de ses cendres !

 

Quand les gros titres manhwa à succès sont sortis, j’étais fier de voir que dans les rayons des magasins les mangas et les manhwa étaient séparés. Maintenant, comme ce succès s’est essoufflé, j’ai l’impression que le manhwa est considéré comme un sous-produit du manga. J’aimerais que le manhwa soit reconnu comme quelque chose de différent, à part entière. J’aimerais d’ailleurs que vous m’aidiez à bien faire connaître le manhwa !

 

Je fais des dédicaces depuis le début de Japan Expo et j’essaie d’échanger avec mes fans autant que possible mais tous ceux qui ont aimé Jackals me confondent avec un japonais ! On me dit “arigatô gozaimasu” ou encore “sayônara”. Par contre, ceux qui me connaissent surtout pour Chonchu savent que je suis coréen. J’ai l’impression d’être un has been ! (rires)

 

MS : Le problème rencontré avec le manhwa en France relevait plutôt d’un souci éditorial et non des œuvres en elles-mêmes. De plus, pour vous “rassurer”, sachez que les mangas français (global mangas), ont aussi du mal à s’imposer en France et subissent une sorte de discrimination d’une partie des fans de mangas. Ce n’est donc pas un problème centré sur la Corée.

 

En tout cas merci d’avoir répondu à nos questions avec une telle sincérité et nous vous souhaitons une bonne continuation.

 

KBJ : Merci à vous et merci au public français qui apprécie mon travail.


© KIM Byung Jim, KIM Sung Jae, Daewon C.I.Inc.

Skeet

Créateur de Manga Sanctuary et avant tout lecteur de manga depuis la fin des années 80.
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