Critique Global manga Euterpe #1

7
Euterpe

par KssioP le jeu. 17 août 2017 Staff

Cette année, un nouvel éditeur s’est fait connaître à la Japan Expo, H2T. Reconnu sur la toile jusqu’à maintenant pour son catalogue dématérialisé, cet éditeur promeut des jeunes artistes français. J’avais suivi la promotion des titres papiers proposés pour la toute première fois en juillet dernier et Euterpe m’avait tapé dans l’œil (aïeuh !). Art of K que certains ont sûrement eu la chance de rencontrer en séance de dédicaces en est l’auteur. J’étais enthousiaste en entamant ma lecture, mais déçue à la fin. Je suis mitigée dans mon ressenti. Art of K a certes un réel potentiel mais il lui manque encore ce petit quelque chose pour convaincre, il va lui falloir perfectionner son art et sa manière d’appréhender l’histoire si elle souhaite devenir incontournable.


Le premier chapitre est selon moi un sans-faute. On découvre un petit garçon qui joue du piano sous le regard bienveillant de son grand-père, un pianiste renommé. Celui-ci lui explique combien il est important de penser à ceux qu’on aime pour bien jouer la musique. S’en suit le réveil de ce même petit garçon, Jon, des années plus tard. Le Jeune homme, valise à la main, retourne dans la maison d’enfance où il a appris le piano. Son grand-père n’est plus et Jon est désemparé. Il ne s’en remet pas, ajouté du fait qu’ils étaient en froid depuis longtemps pour on ne sait quelle raison. Un lourd fardeau pour un pianiste de génie tombé en dépression qui n’arrive plus à rien. Il espère des réponses, tout en étant hanté par le fantôme de cet être inoubliable. La force dans ces premières pages réside dans la mise en scène assez lente des évènements. Il s’en dégage une vraie nostalgie qui nous fait entrer tout de suite dans la peau du héros.


Le 2ème chapitre suit exactement le même chemin, un mélange de rêve et de réalité puis… apparaît Kal, une jeune fille au caractère bien trempé, la dernière élève du Maestro décédé. A partir de là, mon plaisir s’est un peu amoindri. Déjà dans les dialogues. Je ne sais pas vous mais jamais ma grand-mère n’a employé le mot « abruti » pour semoncer ses enfants ou petits-enfants et je n’ai personnellement jamais appelé ma grand-mère ou mon grand-père le vieux ou la vieille pour les désigner ou les appeler. Les personnages qu’importe leur âge s’expriment comme des enfants et forcément on perd immédiatement en crédibilité. Or, si vous lisez mes critiques vous avez dû noter que je faisais très attention au crédit d’une histoire. Cela passe souvent par des détails. Ici, ce sont les mots et les réactions parfois exagérées et donc pas naturelles des protagonistes.


Ajouté d’un scénario qui malheureusement défile trop rapidement. Il manque les « lenteurs » des deux premiers chapitres dans le reste du tome, ces temps-morts qui servent de liaison et font que le lecteur peut se plonger dans l’histoire. Oui voilà, l’auteur reste en surface. Ses idées sont bonnes mais elle n’approfondit pas, se contentant un peu d’enchaîner sans jamais s’arrêter. C’est d’ailleurs assez paradoxal pour un manga abordant le thème de la musique car les respirations et les silences sur une partition sont justement ce qu’il y a de plus important.


Là, où c’est le plus fragrant c’est quand le défi est lancé entre Jon et Kal et qu’ils doivent composer un morceau en deux semaines pour plaire à un client particulièrement exigeant qui a perdu sa femme. Au-delà du fait que le délai est hyper court même pour les plus grands, faudra juste qu’on m’explique un truc, Jon et Kal sont pianistes ET compositeurs depuis quand exactement ? non car jusqu’à maintenant ils étaient simplement des pianistes. Bon, admettons pour Jon qui étudie depuis qu’il est gamin mais Kal qui a découvert le piano très récemment, quelques années seulement quand avant elle ne parvenait pas à sortir ne serait-ce qu’une note juste d’une simple flûte, c’est… « incroyable » (au sens étymologique du terme). Les détails je vous dis, tout réside dans les détails. Et cela ne s’arrange pas quand plus tard, on leur accorde une semaine supplémentaire pour ensuite exiger qu’au bout de deux jours tout soit bouclé. Mah croyez-le ou pas, la composition est magnifique à en pleurer (littéralement). Enfin, c’est l’auteur qui le dit, moi je n’y ai pas cru. (m’enfin j’avais déjà pas cru aux larmes de Kal la première fois qu’elle entend le maestro jouer).


Comme j’ai eu du mal à croire à l’amie de Kal, la fille super riche. Si l’on tient réellement compte du CV de sa famille, je dirais que leur fortune ne se situe pas dans les vingt premières mondiales mais dans le top 3. Et puis, si elle est si riche et sa famille si importante, pourquoi elle se retrouve dans un bled perdu pour ses études ? Oui certains diront que je chipote mais c’est ce genre de cumuls maladroits qui coupent tout mon plaisir. Je fais une fixette et finit par voir que cela.


Je vous ferai grâce des comportements puérils de Kal et de Jon qui se disputent l’amour d’un monsieur disparu. Kal est jalouse et veut que le petits-fils s’en aille alors qu’elle n’est pas dans son droit. Sauf qu’au lieu la faire déguerpir de chez lui illico presto, Jon se met à sa hauteur et alimente le feu. C’est perturbant et pas trop en corrélation avec le premier chapitre. Il y a un manque manifeste de maturité dans la narration de l’histoire, j’en ai été gênée.  


Je pense plus objectivement que j’ai surestimé le titre avec l’extrait mais qu’au final il s’avère que je ne suis pas la cible.  Toutefois, si je me remémore mes douze ans ou ma première expérience dans le monde du shojô, je dirais sans hésiter que les jeunes adolescentes vont adorer. Oui je le classe plutôt en shojô et non pas en josei comme c’est précisé sur la jaquette. C’est trop enfantin pour parler aux adultes. Il n’y a pas de double lecture comme sur certains bon livres ou films à la base conçus pour des enfants.


Enfin, je noterai avec plus de facilité et le sourire aux lèvres le style graphique. On sent l’influence d’autres dessinateurs (Yamamori Mika) dans le trait d’Art of K mais à ce stade, c’est presque normal. D’autant qu’il n’y a pas d’erreurs techniques : proportions, découpage, déformation mignonne des persos… tout est fluide et on s’arrête souvent sur les images pour apprécier le travail. L’auteur doit encore s’affirmer, se démarquer de ses pairs, s’abolir de ses inspirations mais nul doute qu’elle a des capacités qui peuvent attirer bon nombres de lecteurs.


Globalement j’ai passé un bon moment, même si majoritairement je fais ici l’accent sur les défauts. Cependant, il faut prendre ma critique comme un encouragement positif. Peut-être que l’auteur devrait s’allier avec un scénariste pour donner plus de matière à son texte, ou peut-être que c’est le format de publication régulière qui l’empêche de ralentir, de « peaufiner » les détails J. Je reste persuadée que le jeune public sera ravi et personnellement je ne bouderai pas le tome 2 qui signera la fin de cette histoire. Et puis, cocorico quoi ! tous les grands mangakas sont passés par des premières fois avant d’arriver à ce point d’équilibre qui fait mouche, alors accordons à nos jeunes talents cette même confiance et parions.

En bref

Euterpe est un titre sur lequel il faut s’arrêter, ne serait-ce que pour soutenir nos jeunes talents français. Mais, comme dans tout premier essai, il y a des imperfections. Le rythme principalement est à revoir. Tout va beaucoup trop vite, si bien que parfois c’est presque illogique. Les dialogues et les détails décrédibilisent et forcément parfois on sort de l’histoire en ayant beaucoup de mal à s’y replonger. Malgré cela, les personnages olé-olé et excessifs devraient trouver leurs fans sans trop de difficulté et le style shôjo a de quoi ravir les invétérés du genre. C’est un vrai bon premier titre qui nous montre tout le potentiel de l’auteur. Et comme il n’y a que deux tomes, pas de regrets à avoir.

7
Euterpe
Positif

Auteur français

Dessins plutôt sympas

Le thème de la musique

Les personnages qui ne passent pas inaperçus.

Negatif

Manque de crédit

Histoire pas assez travaillée, cela va trop vite

Dialogues pas en adéquation avec l'âge des personnages

Réactions disproportionnées.

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