Critique Manga Le Requiem du Roi des Roses #1

Si Aya Kanno s'est surtout fait connaître avec Otomen, une comédie romantique d'assez longue haleine dans le plus pur esprit shôjo, elle avait pourtant dévoilé des oeuvres à la tonalité bien différente avec L'empreinte du mal et Corps et Âme. Avec Le requiem du Roi des Roses, elle nous prouve une nouvelle fois qu'il est impossible de la mettre dans une case, tellement ses oeuvres sont inattendues et s'adressent à un public d'une grande diversité.

Pour créer ce manga, Aya Kanno s'est inspirée des pièces Henri IV et Richard III, dont elle a repris certains dialogues tout en adaptant librement le récit au gré de son inspiration. Le rendu, associé à un visuel graphique frappant, est assez étrange et étonnant, et a des chances de séduire les lecteurs en recherche de nouvelles sensations.

En effet, stylistiquement, Le requiem du Roi des Roses se distingue par sa narration lente, contemplative, « précieuse » presque. Les dialogues élégants accompagnent des planches pouvant paraître vides, car souvent sans arrière-plan ; mais, allié à un usage modéré des trames et donc des nuances de gris, cela contribue à un rendu visuel tranché, qui rehausse les personnalités dérangeantes, hautaines ou marquées d'une quelconque manière, des différentes protagonistes.

La lecture nous donne des sentiments troublants, entre lenteur, malaise et folie. La représentation de Jeanne d'Arc, présentée comme une sorcière qui tourmente le héros en raison de sa sexualité trouble, est particulièrement à relever. Les comportements des personnages mettent mal à l'aise, mais reflètent bien leurs psychés tourmentées. Le Requiem du roi des roses n'est pas un manga qui se dévore, c'est un manga qui se savoure en baignant dans une atmosphère à part.

Du coup, le scénario n'est pas forcément passionnant, car la narration n'est pas tournée de façon à créer du suspens ou des rebondissements. Mais ça ne veut pas dire qu'il est dénué d'intérêt ! Car le combat de l'ombre que se livrent les familles ennemies reste intrigant, et on se demande qui parviendra à se hisser à la tête du pays, et quelle position prendront les personnages vis-à-vis de Richard et de son étonnante personnalité.

Ces relations humaines réservent souvent des surprises, oscillant entre rejet, dégoût spontané ou sympathie inattendue. Le lien le plus surprenant est sans doute celui qui se tisse, à l'insu d'eux, entre deux ennemis héréditaires... C'est sans doute le plus gros facteur de suspens de la série jusqu'à maintenant : comment cette amitié naissante va-t-elle évoluer ?

Les personnages sont suffisamment nombreux pour présenter une variété de caractères très intéressantes, donnant une certaine épaisseur à l'histoire. Néanmoins, ils ne le sont pas suffisamment pour que l'on s'y perde, et tout au long de la lecture le fil rouge reste assez clair, excepté certains moments de « folies » ou l'on s'égare volontairement.

Le Requiem du Roi des Roses est un manga surprenant, sans doute pas destiné à tout un chacun mais qui mérite l'attention. Espérons que sa conclusion saura donner à cette tragédie la grandeur qu'elle mérite !