Critique Manga Le coeur de Thomas

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Le coeur de Thomas

par Sherryn le dim. 13 janv. 2013 Staff

Le coeur de Thomas est l'une des oeuvres fondatrices du yaoi. En tant que passionnée du genre et également grande amatrice de vintage (adorant Riyoko Ikeda et Yumiko Igarashi notamment), il va de soit que j'étais très enthousiaste et impatiente de découvrir ce classique. Cependant, je dois avouer que la lecture ne m'a pas autant séduite que je l'espérais.

Le récit se passe dans un pensionnat en Allemagne (bien que les prénoms des personnages ne le reflètent pas du tout, ils ne font pas japonais, mais ils ne font pas allemands non plus, surtout pour le personnage principal ; c'est assez difficile de s'immerger avec des noms pareils...). L'histoire commence avec le suicide de Thomas Werner, par amour pour Julusmole, dit Juli, un élève séduisant mais droit et austère. Dès lors, la mort de Thomas n'aura de cesse de hanter Julusmole, pourtant bien décidé à aller de l'avant grâce à sa force de caractère ; seul problème, c'est à ce moment que débarque à l'école un nouvel élève, Eric von Frühling, portrait craché du défunt... Dès lors se noue une relation complexe entre Juli, Eric, le souvenir de Thomas, et d'autres protagonistes marquants.

La qualité principale de ce manga, c'est la subtilité des liens entre les personnages et leur richesse psychologique. J'ai à vrai dire trouvé que l'auteur allait trop loin, car si l'homosexualité n'est pas dérangeante, l'amour très tendancieux d'Eric envers sa propre mère l'est davantage ; mais surtout parce que tous les protagonistes principaux, sans exception, cachent nécessairement un secret terrible et inavouable. Cela leur donne de l'épaisseur, mais là, c'est trop. Lorsqu'aucun personnage n'est épargné, le récit est trop dense et on finit par ne plus y croire suffisamment.

Néanmoins, la complexité psychologique de ce titre reste indéniable, de même que les thèmes torturés abordés à fleur de peau. La mangaka jongle avec beaucoup de talent entre les mystères et les secrets, entretenant une atmosphère permanente de non-dit. Les vrais sentiments, raisons et blessures s'entremêlent et mènent au drame, parce qu'entre ce qu'on croit savoir, ce qu'on ignore, ce qui est su, il y a toujours un pas ou un fossé. Tout du long, les personnages ne cessent de s'effleurer et ce n'est qu'à la fin que l'on percevra à quel point.

Les protagonistes ont de ce fait tous une personnalité très marquée qui les rend mystérieux, attachants ou agaçants. On relèvera que la plupart évoluent au fil des pages, et donc notre opinion sur eux également. Un certain nombre d'événements dramatiques ponctuent la trame, avec à un nouveau un petit goût de "trop". Non seulement ils sont nombreux, mais dans la nature des événements mêmes, la mangaka donne l'impression d'aller systématiquement dans les extrêmes, et ne montre que rarement de pondération.

Avec tout cela, l'atmosphère de ce manga devrait être étouffante, mais en réalité cela est compensé par le fait que le rythme du récit est parallèlement très lent. On sent la tension monter, mais il y aussi des passages qui paraissent longs, très longs. Reposant uniquement sur les relations entre les personnages au sein d'une école, le manga n'offre ni scènes d'action ni faits historiques marquants. Le cadre ne change presque jamais. Il n'y a donc pas le rythme ni l'efficacité d'un Lady Oscar (La Rose de Versailles) ou d'un Hikari no Densetsu.

Pour autant, pour quiconque s'intéresse suffisamment au shôjo et au yaoi pour en lire les oeuvres fondatrices, Le coeur de Thomas se pose comme une lecture indispensable, à même d'aider à mieux cerner l'évolution et l'histoire du manga. Précisons encore, comme de bien entendu pour l'époque, que ce titre se borne à un shônen-ai soft et est donc lisible par tous sur ce point-là.

En bref

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Le coeur de Thomas
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