Critique Série TV animée Ailes Grises

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Ailes Grises

par Celes-Kalk le mer. 24 août 2011

Tout commence par un rêve... Pour nous, spectateurs, qui sommes le témoin d'un de ces songes (une chute dans le vide d'une jeune fille à moitié consciente et de quelques corbeaux qui l'accompagnent) mais surtout pour eux, eux qui se font appeler les « haibane ». Comme nous ils ne savent pas ce que signifie vraiment ce rêve, mais ils ont en eux la clé de leur interprétation, et c'est un peu ce modeste chemin pour trouver cette clé, que l'on suivra, en vivant le temps au quotidien de quelques uns de ces haibane.
Aussi, le début de la série nous présente Rakka, la jeune fille du rêve (mais était-ce bien un rêve) qui éclôt d'un gigantesque cocon de chair, sous le regard curieux et bienveillant de 5 jeunes femmes. Aucunement surprises de cette étrange apparition dans leur demeure, une sorte de grand orphelinat désaffecté, elles vont guider la nouvelle venue dans leur univers.
Ces filles, tout comme la représentation moderne d'un ange, possèdent une auréole et une paire d'ailes qui sacrifient au blanc iconographique un beau gris immaculé. D'ailleurs rapidement, Rakka se trouve affublé de ces deux éléments symboliques. On lui offre l'auréole et sa première nuit à la vieille maison voit ses ailes pousser (scène réaliste et crue s'il en est).
La suite sera sa découverte de ce nouveau monde, son monde désormais. Ce cadre est restreint, puisque constitué seulement d'un village, de prairies d'éoliennes et de forêts, le tout entouré d'un mur colossal, que personne ne peut franchir sans conséquence. Les haibane, qui n'ont aucune mémoire d'une ancienne vie, sont régentées par une étrange fédération, la « haibane renmei », qui leur impose un certain nombre de règles à suivre : avoir un travail, se détacher des biens matériels en ne possédant que des objets de seconde main, en ne gagnant pas non plus d'argent ou bien encore des codes quasi monacaux lorsqu'ils doivent s'entretenir avec le communicateur, un personnage masqué, lien avec la fédération et guide spirituel à ses heures.
Il est à noter qu'il n'y a que quelques communautés d'haibane, la plupart des habitants étant des humains comme vous et moi, qui vivent en bonne harmonie avec ces êtres ailés.

Au fil des découvertes et des révélations, on se posera les même questions que Rakka (qui sont les haibane ? Quelle est la finalité de tout cela ? Pourquoi ? ) on la verra évoluer, on saisira ses tourments et enfin on vibrera avec elle sur la question de Reki, la première haibane qui a accueilli rakka, et qui comme elle semble demander un salut dans la rédemption...
Ainsi, de ces êtres si proches de nous, on suivra un cycle de vie, de la « naissance » à la « mort », leurs joies et leurs doutes quotidiens.

Le scénario est riche et original mais le parti pris de suivre la plupart des événements comme autant de tranches de vie, cloisonne l'univers que nous voyons (tout comme il est cloisonné pour les héroïnes d'ailleurs) et fait baigner le tout dans des questionnements dont peu seront finalement résolus. C'est une technique bien connue de laisser du flou dans une histoire, même si pour cette fois le brainstorming a peu de chance d'aller jusqu'au mal de crâne. A vous de voir si baigner dans un voile opaque, qui participe aussi à la poésie du tout, vaut vraiment la chandelle d'avoir évité de creuser une histoire plus globale (pour 13 épisodes c'est néanmoins tout à fait remarquable de concision dans l'efficacité). Personnellement j'ai été convaincu par ce que j'ai vu, même si à mon sens le scénario na va pas aussi loin qu'il aurait pu (les personnages sont peut être trop dans l'expectative, qui sait ?). Néanmoins l'émotion et les larmes sont là et la fin de la série est vraiment magnifique.

D'un strict point de vue technique, la série ne se hisse pas dans le panthéon des belles phases fluides, cadrées, travaillées au millimètre qu'ont pu nous offrir d'autres perles de la japanimation. Le mouvement des personnages est régulièrement saccadé et plutôt statique, l'unité graphique des design n'est pas toujours correctement maitrisée (notamment celui de Rakka, dont la qualité change d'un épisode à l'autre et suivant les changements de face ou de profil), l'expressivité des visages n'a rien d'exceptionnelle, et la mise en scène est la plupart du temps d'un grand classicisme. Même si ces points sont subtils et n'accrocheront pas forcément l'attention de tous, vous ne serez pas séduit par cette série pour ses prouesses techniques, qui dans d'autres cas peuvent relever un scénario léger en emballant les sens. Néanmoins, il y a tout de même de très belles réussites avec un travail de réalisation plus abouti dans les derniers épisodes, et s'il faut le saluer, il faut bien admettre que c'est l'exception.
Ce point qui peut entacher l'impression globale, n'est cependant pas ce qui doit nous intéresser ici, car l'ambiance de la série, ce qu'on ressent à la regarder vient d'autre chose. Une mélancolie subtile qui se dégage de décors paisibles et bucoliques, une approche simple de l'environnement, des couleurs mordorées (et qui suivent les saisons) et surtout des rapport humains pudiques et empreints de sensibilité. Ce que l'animation ne nous montre pas, elle nous le fait deviner. Elle l'évoque par des symboliques bien perçues du spectateur, de vie après la mort, d'anges, de péché, de rédemption, d'envol mais aussi de pardon et de mille mercis (l'épisode 12 de l'offre des noix du nouvel an, en silence, est symptomatique de la chaleur humaine de cette série). Ici, vous aurez droit à une humanité apaisée, des amitiés subtiles, un tableau des doutes qui peuvent nous hanter et nous freiner et le message que rien n'est jamais définitif. L'originalité de l'univers créé par ABe est dans tous les cas, une expérience à ressentir même s'il subsiste quelques raccourcis de scénario (comme le traitement trop rapide du personnage de Kuu). Après tout, au dire du producteur, l'auteur lui même ne savait pas vraiment où il allait quand il créa son histoire et il en restera quelque chose d'artificiel également.

Ainsi, une vision plus intimiste conduit à signaler que la série a choisi de mettre l'accent sur la vision du « péché » personnel et d'une rédemption possible, en ne s'attardant vraiment que sur 2 des personnages principaux. Néanmoins on sent bien que via l'histoire des autres haibane, d'autres thématiques bien différentes pouvaient être abordées. Ceux qui ont vu leur vie brusquement interrompue d'une façon ou d'une autre, et à qui on donne la chance de reprendre le parcours, ont quoi qu'il en soit un deuil à effectuer, un pardon à accorder, un manque à combler, une réalité à saisir ou bien encore un accomplissement personnel à effectuer. Et les enfants haibane, les « petites plumes », n'ont certainement pas ce « lien avec le péché » qui nous est présenté pour Reki et Rakka ; ils ont juste à grandir honnêtement pour un jour s'envoler. C'est ainsi dommage de ne proposer qu'une piste sur ce que peuvent être les haibane, une piste, que si l'on n'y prend pas garde peut très bien s'imposer comme la seule réponse. Aussi, ne pas avoir donné assez de subtilité à ce point du récit m'empêche d'être totalement convaincu.

Cette série n'est sans doute pas parfaite non, elle eut pu être perfectible sans doute, plus développée certainement. Mais n'est-ce pas sa force qu'au terme de ces 13 épisodes, le spectateur en veuille encore plus ? Et quoi qu'on en pense, force est de reconnaître qu'à la fin, un cycle s'est construit et s'est achevé sous nos yeux de la plus belle façon, sans vraiment aucune lourdeur ni véritable longueur. Cette légèreté, et la force émotionnelle que cette série a réussi à démontrer vaut largement de la découvrir, vous ne devriez pas le regretter.

En bref

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