Critique Manga L'école emportée

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L'école emportée

par apoptoses71 le mer. 20 mai 2020

Autant le dire d'entrée de jeux : pour moi l'école emportée est un véritable chef-d'oeuvre.

On peut regretter le format choisi par l'éditeur, j'aurai préféré un prix supérieur avec un livre plus conséquent (comme la collection VINTAGE). Mais finalement le format n'enlève rien au plaisir de lecture et on s'adapte vite.

Quant aux traits de l'auteur, ils dépeignent à merveille l'ambiance angoissante, pesante : la noirceur du titre. Les émotions des personnages comme la peur et la colère sont très bien mises en exergue. Certains pourront dire que le dessin fait vieillot, mais pour ma part j'adore, cela rajoute un côté vintage qui donne encore plus de poids aux propos de l'auteur.

Car en 1972, Monsieur UMEZO était déjà dans le vrai : l'auteur dresse un constat sans concession de la nature de l'homme, à l'instar de GO NAGAI dans DEVILMAN. L'auteur nous jette à la figure ce que nous sommes, et ce n'est pas joli à voir : négligence, soif de pouvoir et d'argent, égoïsme, jalousie, haine, intolérance, violence gratuite, volonté d'ignorer les conséquences des actes, mensonge, trahison, recherche d'excuses, recherche de coupable ou de bouc émissaire avant de chercher une solution. Mais aussi la destruction sauvage par l'homme de notre planète bleue tel un bûcheron qui couperait la branche sur laquelle il est assis tout en sachant pertinemment qu'il va tomber.

De mal en pis tout y passe, et comme DEVILMAN, L'ECOLE EMPORTEE ne date pas d'hier, et c'est pour moi ce qui fait le plus froid dans le dos. Il y a quarante ans, le parallèle avec notre réalité était déjà évident. Mais à la lumière d'aujourd’hui, la mise en abîme est criante. Alors que la situation n'a fait qu'empirer, la majeure partie de la population ne visualise toujours pas l'impasse dans laquelle nous sommes, parmi ceux qui l'ont réalisée, la majorité est persuadée que les conséquences ne surviendront qu'après leur passage ici-bas, l'autre partie est trop lâche pour faire quoi que ce soit. L'homme est alors à la fois la sa victime et son coupable.

Pour moi cette oeuvre est d'une grande richesse intellectuelle et nous amène à une profonde réflexion sur ce que l'on est, de la place que l'on a dans notre monde et où voulons nous emmener celui-ci. On comprend bien que la nature profonde de chacun s'exprime dans les situations extrêmes. De là on peut se poser la question de SOCRATE : "connais toi toi même".
Mais l'oeuvre est tout simplement trop riche et je n'ai sûrement pas saisi tous les messages de l'auteur ni toutes les références, mais on y découvre la soumission à l'autorité de MILGRAM, les 5 styles de management de BLAKE ET MOUTON, la démonstration que "l'homme est un loup pour l'homme", la vérité de SCHOPENHAUER, et j'en passe...

Pour moi UMEZO réussi un coup de maître en nous faisant croire que son manga est un manga de science fiction alors que la science fiction et l'horreur qui en découle n'est qu'un prétexte servant de mise en échelle des horreurs causées par les protagonistes humains. Finalement UMZEO arrive à nous montrer que l'humain est encore plus terrifiant que la science fiction, les monstres ect...

Evidemment il s'agit d'une oeuvre sombre, très sombre, où l'homme est présenté tel un immondice de par sa nature, son mode de vie et sa façon d'être. ( exemple du cratère laissé par la disparition de l'école qui finit par servir de décharge publique... ) L'auteur exagère, mais pas tellement...

Cependant l'auteur nous donne quand même un peu d'optimisme : l'humanité de SHO et SASA, l'amour maternel, l'amitié...
Mais je soupçonne UMEZO de vouloir nous plonger encore plus dans le désespoir, car avec une touche d'espoir la chute est encore plus terrible. AU final on peut mélanger l'espoir et le désespoir jusqu'à ne plus distinguer l'un de l'autre. De plus, l'auteur nous martèle de son trait sombre que l'homme est voué à répéter inlassablement les mêmes erreurs.

Pour finir, je remercie l'auteur pour cette leçon qui m'a glacé le sang. Et je vais moi aussi "espérer un avenir radieux" comme nous le suggère l'auteur à la toute fin, comme pour se jouer de nous une dernière fois avec ce petit conseil qui dépend de chacun(e) de nous.

En bref

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L'école emportée
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