Critique Manga Mémoires fantômes #1

8
Mémoires fantômes

par Tampopo24 le dim. 10 mars 2024 Staff

La couleur d'une âme

Mémoires fantômes signe
pour moi le retour d’une autrice que j’avais adoré découvrir lorsque
j’étais à la fac : Akiko Monden. Elle nous avait offert alors une
histoire humaine assez singulière dans le puissant Professeur Eij
i et j’avais été que l’aventure ne se poursuive pas. Je suis donc ravie qu’Akata n’ait pas oublié son trait et ses histoires percutantes et lui offre une seconde chance.

L’autrice elle-même dit qu’elle semble
avoir eu un petit passage à vide au Japon avec peu de séries parvenant à
convaincre et à aller au-delà du premier tome pour offrir une sortie en
plusieurs volumes reliés. Elle a pourtant un trait bien à elle, que je trouve à la frontière entre le classe et le froid, me rappelant celui de Fuyumi Soryo (Mars, Cesare) que j’adore et dans lequel je trouve une vraie force. Elle a aussi des thématiques bien à elle, osant aller creuser du côté des aspects peu reluisant de la société japonaise : prostitution, harcèlement, violence, yakuza, etc.
C’est donc une très bonne nouvelle de la voir revenir chez et peut-être
les éditions Akata auront-il l’idée, eux qui aiment suivre leurs
auteurs, d’aller creuser dans son catalogue. Je croise les doigts.

Pour ce qui est de cette nouvelle histoire, j’ai de suite adhéré. Pourquoi ? Parce qu’elle offre une aventure fantastique urbaine à la japonaise comme j’aime, où il est question de pouvoirs psychiques, d’âmes cabossées, de familles et institutions troubles cherchant à s’approprier ses pouvoirs. Bref, c’est addictif et entre modernité et rappel d’un certain folklore, un mélange qui me plaît énormément et me rappelle bien des titres que j’ai adoré autrefois comme Blue Seed, Princesse Kaguya et j’en passe.

L’autrice nous embarque donc aux côtés de Nagi, une toute jeune adulte qui vient de perdre sa grand-mère qui l’a élevée et avec qui elle vivait un peu en autarcie. Nagi vient d’une famille de médiums et a elle-même des pouvoirs convoités, sa grand-mère lui a donc alloué la protection d’un ange gardien, Arashi, qui pour cela va prendre possession du corps d’un mafieux. Avec l’aide du gentil bras droit de ce dernier, Tetsushi, il va se mettre en tête de prendre soin de Nagi et de l’accompagner dans les étapes pour dire au revoir à sa grand-mère, mais il va vite découvrir qu’il a mis le pied dans quelque chose de plus compliqué, la famille de Nagi étant étrange avec elle et celle-ci n’ayant pas de souvenirs d’avant ses 8 ans…

Akiko Monden, comme je m’en souvenais, est une autrice qui porte une vision sociale dans ses mangas
et même si nous avons ici un récit qui se veut fantastique et y réussit
fort bien, elle donne une belle dimension critique également à travers les situations de Nagi et Tetsushi. Avec une belle efficacité narrative, elle mélange ainsi phase intimiste où elle décrit le mal être de quelqu’un qui s’est toujours senti rejeté et seul, la peine d’être différent
et de devoir vivre avec, la difficulté à vivre en société quand on est
capable d’en voir toutes les peines et les horreurs ; et des phases plus fantastiques voire avec du suspense lorsqu’il est question des pouvoirs de Nagi, de leur origine et de leur mise en action. Et spoiler : ça fonctionne très très bien. Il faut dire que le trio atypique qui se crée est touchant
tout plein entre Nagi, qui a tout d’une petite en mal d’amour et de
sécurité, Arashi qui a beau penser connaître notre monde qui en découvre
la complexité et les addictions avec maladresse, et l’émouvant Tetsushi
qui se découvre utile et aimable. J’aime beaucoup.

Le tome se dévore donc. On passe assez vite de la situation de départ où on découvre les personnages et leurs pouvoirs, aux premiers noeuds scénaristiques
qui vont venir tendre l’intrigue, mais ça ne semble pas précipité. On
alterne scène intime et scène d’action avec pouvoirs à la clé. On voit
se succéder petites révélations et début de piste avec nouveaux mystères et personnages étranges. On a droit aussi bien à de l’humour que de l’émotion. Tout semble parfaitement dosé pour former ce puzzle singulier très efficace à mes yeux. Et cerise sur le gâteau, en fan autrefois de l’autrice, je retrouve des ambiances, des traits et des thèmes que j’avais aimé dans son oeuvre précédente, c’est donc un pur bonheur d’y être à nouveau confronté.

En bref

Future courte oeuvre en 3 tomes, Mémoires fantômes me fait le grand plaisir de retrouver en France les écrits sociaux d’Akiko Monden, avec en prime une jolie touche de fantastique urbain à la japonaise. Ce premier tome est déjà riche, mystérieux et émouvant, avec un joli trio inattendu fait de personnalités touchantes, qui vont vivre des péripéties humaines et stressantes à la fois, dans un petit cadre polar bien mené. J’espère que la série aura le succès qu’elle mérite et qu’elle permettra de poursuivre l’exploration des écrits engagés de l’autrice.

8
Mémoires fantômes
Positif

Le retour d'Akiko Monden

Un trait beau, fin et bien à elle

Une oeuvre sociale

Un mélange polar, fantastique urbain et critique sociale bien dosé

Un trio atypique attachant

Une histoire rondement menée : action, émotion, révélation, mystère

(un petit clin d'oeil à City Hunter ;) )

Negatif

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